Semaine 2

15 – 21 octobre 2016

Le samedi 15 octobre, journée de passation de clefs et relais : Sabine et Alex partent, Julie et Fabien arrivent. Le projet se précise. Il prend forme doucement.

Il fait beau, et après une petite étude des cartes IGN, nous partons en ballade avec l’espoir de trouver quelques champignons. L’objectif est un petit lieu, une clairière au milieu de la forêt de Saint-Sauvant, au doux nom de la Branlerie.

Départ vers 14h, en passant par Celle-Lévescault, et arrivée au milieu de la forêt où nous laissons la voiture pour utiliser nos vélos. Pas de champignons sur cette terre peu arrosée cet été, des châtaigniers, un « site archéologique », peut-être les vestiges d’un fort ? On s’enfonce sur le chemin forestier en direction de la Branlerie. Des coupes de bois récentes on mis à jour des chênes centenaires et élancés. Plus loin la forêt est plus dense avec des résineux.

Panneau /// Forêt Domaniale de Saint-Sauvant

Un chemin de petit cailloux blanc nous mène au lieu-dit. C’est un ancien hameau en ruine, loin de tout, abandonné dans les années 40. Il devient le refuge des maquisards du pays qui libèrent en 44 le camp de prisonniers de Rouillé, peu de temps avant que les SS ne ripostent, n’encerclent le lieu et le détruisent par le feu. Les prisonniers seront torturés et fusillés à Saint-Sauvant. C’est donc pour nous un parcours lié à la Résistance et à l’histoire chargée du 20 ème siècle, une trace du passé parmi d’autres sur ce territoire.

On continue la ballade jusqu’à la nuit tombée dans ce bois, et, de retour à la voiture, la pleine lune apparait énorme, sublime et rousse à travers les arbres.

Retour sur Lusignan où les travaux en cours nous empêchent d’approcher le centre en voiture. Pour s’approcher de la Vonne, on prend en direction des Brousses et on arrive vers un groupe de maison à l’abandon. Le lieu est très beau, il se trouve à côté d’une source dite « La Fontaine aux Loups», et nous projetons d’y retourner dès que possible, en journée.

Retour au gite par Jazeneuil, joli petit village ancien, dont le vitrail éclairé de l’église attire notre attention. On nous a parlé du Musée du vitrail, il faudra le visiter… Les éléments eau, terre, air et feu semblent se retrouver dans la fabrication du verre, d’où notre intérêt pour cette pratique. Nous projetons aussi de revenir de jour.

Sur le chemin du retour, un écriteau « donne pierres » est accroché au tronc d’un arbre mort.

Les jours suivants, nous alternons entre rencontres, ateliers, recherches et bien sûr promenades de toutes sortes. L’automne amorce son travail de sape sur les arbres, qui changent de couleurs par paliers…

Nous décidons de revenir aux Brousses, direction le Moulin de la Touche et la Fontaine aux Loups.

C’ est très beau et la météo est de notre côté. Nous captons de nombreuses images, que nous dérushons chaque soir pour préparer le site et la restitution. Karel avance sur le site, le soir, tard, très tard. Le gîte est le seul endroit où le développement semble possible. La décision est prise de travailler avec WordPress avec un thème créée pour l’occasion et une approche orientée image plein écran. Outre le Blog, il y aura quatre entrées possibles via les quatre éléments. Le Blog montrera les dessous de la création, et des morceaux des « tableaux » (vidéos, photos, sons) que nous proposerons seront visibles, connectés entre eux via des boutons…

Les « totems » que sont les éoliennes, silos, châteaux d’eau, nous inspirent pour les ateliers graphiques et notre recherche en direction des mythes. Nous faisons escale dans un bois de châtaigniers centenaires, on parle des arbres magiques des mayas et on ramasse quelques fruits pour le lendemain. On se laisse tranquillement glisser le long de la Vonne, vers une réserve de poissons. Le propriétaire des lieux nous invite à sortir de sa propriété, un peu énervé. On ne savait pas que le site était privé… Merci pour les bonnes ondes…

La rencontre publique que nous organisons à la salle polyvalente de la mairie de Rouillé, ce mardi 18 octobre, nous amène comme souvent dans ce type de projet à un double constat : celui de la difficulté de drainer du monde sur un projet artistique « de territoire » et celui de l’intérêt manifeste des quelques participants présents. Madame Rochais-Cheminée, la maire de la ville, nous accueille chaleureusement. On se sent plutôt bien. Les discussions se poursuivent dans la soirée, autour d’un verre et de quelques agapes, et nous permettent de tisser des liens, de prendre des contacts et de programmer différentes visites : associations, personnes ressources, lieux atypiques. Et déjà, on commence à se dire « six semaines ça parait court »…

Les gens sont ouverts, curieux et accueillants, et la présentation que nous avons préparée permet aux personnes présentes d’en apprendre d’avantage sur les créations de PIXEL[13], sur notre démarche et notre immersion ici sur leur territoire.

Fabien, l’animateur de Lusignan, nous prête un Canoë pour naviguer sur la Vonne. Nous pensions au départ aller de Sanxay à Curzay, mais la retenue d’eau d’un ancien moulin (non visible sur la carte) rend la rivière impraticable en aval. Nous décidons de partir à contre-courant… La Vonne, que l’on traverse en voiture à maintes reprises sur le territoire depuis notre arrivée, est un fil sinueux qui traverse le pays Mélusin de part en part. C’est aussi paradoxalement un élément invisible, souterrain, à l’influence pourtant essentielle sur la géographie et l’écosystème du territoire.

Là-encore, les captations sont nombreuses et esquissent des cadres pour le projet artistique, notamment sur l’élément « eau », un des quatre que nous mettons sous nos lorgnettes attentives pour développer leur visibilité… Superbe ballade sur cette Vonne, peuplée de ragondins et ressemblant par endroit au bayou ! En Louisiane, un bayou se dit en langue Choctaw « bayuk » et  signifie « serpent, sinuosité »…

Au cours de cette semaine, les autres éléments sont aussi à l’étude, au hasard de nos pérégrinations. Le feu d’abord, via la découverte d’un brasier incandescent à la tombée du jour, véritable piton de la fournaise local en miniature, qui consume lentement les coupes de branches de l’été Mélusin, mais aussi de manière plus didactique, lorsque nous croisons à différentes reprises nos voisins de l’atelier « De l’air et du vent », association engagée sur l’énergie renouvelable et les chauffages alternatifs. Leur poêle de masse à l’état de prototype trône sur le parking commun à nos espaces de travail. Il alimente les conversations tout en consommant sobrement et efficacement des petits morceaux de bois. Le rendement paraît assez incroyable pour la taille du foyer, et les fumées sont réutilisées dans le process de masse, pour un dégagement là-aussi très modéré.

L’air est aussi présent, et nous sillonnons le territoire à la rencontre des nombreuses éoliennes qui se dressent dans le paysage. Là encore, nos voisins actifs sont précieux, et nous projetons de creuser ce sillon avec eux, notamment autour des techniques de fabrication d’éolienne « maison » qu’ils pratiquent régulièrement sur le pays Mélusin, sous forme d’ateliers ou d’installations pérennes chez les particuliers. La question de l’autonomie énergétique est primordiale, elle nous concerne tous, à l’échelle locale d’un petit territoire comme à l’échelle mondiale.

La terre, dernier des quatre éléments, fait également l’objet d’investigations et de captations d’images. Foulée par nos chaussures ou scrutée à la loupe en mode macro, nous gardons les pieds dessus… Retour dans la Volvo pour une ultime périgrination à Sanxay et ses alentours. On croise quelques monstres… Julie et Fabien sont à l’affût à la recherche de terre pour fabriquer les couleurs de la création papier qui émergera de ce projet…

Au retour de notre expédition, nous faisons une visite impromptue au Musée du Vitrail. Sa directrice, Clarisse, que nous avions croisée le mardi à notre soirée de présentation, et qui nous avait chaleureusement invité à passer quand on voulait, nous accueille. Nous rencontrons l’artiste en résidence au Musée, Monika, concentrée sur son projet qui prendra place dans la future Maison des services de Lusignan. Le premier « 1% culturel » en vitrail nous dit-on. Cerise sur le gâteau, nous bénéficions d’une visite du Musée rien que pour nous, après la fermeture, orchestrée par Clarisse, qui n’est pas avare d’explications malgré l’heure tardive. Foisonnement de couleurs, de graphismes, de Saints, de monstres, une collection d’œuvres classiques et des créations contemporaines que nous ne soupçonnions pas !

Nous avançons ainsi sur différents tableaux, et cela nous correspond bien : comme une sauce minutieusement préparée, nous concoctons notre présence ici et nos actions, à partir des ingrédients que nous y mettons, et ceux que les habitants nous offrent.

Le jeudi, Julie et Fabien rencontrent les personnes âgées et le personnel de l’association l’Escale, autour d’une discussion sur leurs parcours personnels, conclue par une séance de prises de vue. Les déficiences de chacun, dues à la vieillesse et à la maladie d’Alzheimer, ne facilitent pas les échanges. Les deux jeunes femmes qui s’occupent de tout ce petit monde nous orientent et nous donnent les clefs qui nous manquent pour comprendre le parcours de ces anciens, tous habitants du territoire. L’humeur est joyeuse et le moment source d’inspiration même si on sort bien brassés par ce type de moment.

D’autres ateliers commencent à s’esquisser : avec les enfants de l’école de Saint-Sauvant, grâce à Elisabeth, professeure des écoles, venue à notre pot d’accueil du mardi. Un autre se profile avec les jeunes de 12 à 14 ans de Lusignan  pendant les vacances de la Toussaint.

Nous étudions également une possibilité de faire des ateliers adultes avec SEI, l’association de réinsertion par la restauration et le bâtiment, située à Saint-Sauvant que nous rencontrons rapidement en fin de semaine, notamment pour voir avec eux également la possibilité de restituer publiquement notre travail au sein de leurs espaces. Leurs domaines d’activité et leur implication sociale sur le territoire nous attire vers cette solution, et nous sommes encouragés dans ce sens par l’équipe du pays Mélusin. La situation géographique semble intéressante, l’idée étant de ne pas forcément concentrer la visibilité culturelle du projet sur le point central que représente Lusignan. Sortir des « cathédrales de la culture » pour inventer d’autres lieux, d’autres espaces…

La semaine se termine, nous préparons les différents bilans et compte-rendus à remettre aux suivants, le dérushage des nombreuses images et la mise en place du site internet et de son blog, non sans difficultés. Notre connexion internet est la même que tous les habitants du territoire : précaire.

Nous décidons de clôturer cette semaine par une ballade aux Grottes de Malvaux. Le site est lui aussi en bordure de Vonne, enchassé dans les bois. Arrivés sur place, c’est une petite Lourde que nous découvrons, et la magie opère… Nous y restons des heures, nous les infidèles…

Fin de la semaine 2.

A suivre…

[ssba]